Quand on découvre King à mon grand âge, on a l’impression d’avoir foutu sa vie en l’air à lire autre chose… Sauf que je me suis également découvert pas mal de points communs avec Annie Wilks, l’infirmière psychopathe qui enlève son auteur préféré et le force à d’écrire un chef-d’oeuvre. Mais ce dernier, il doit l’écrire non pour gagner sa vie mais pour tenter de la sauver!
Mon affection pour les thrillers étant plutôt récente, il m’a fallu un peu d’entrainement avant de me mettre aux King!
Je ne prétendrai pas avoir été tout à fait a la hauteur… As-tu déjà lu un livre en tentant de sauter les scènes terrifiantes décrits avec des mots tels que « hache » « couper » « jambe » ? ;P… Mais sans rien perdre du récit, bien entendu!! Ce n’est pas exactement comme devant un film où tu peux juste enfouir la tête dans le cou de ton chéri et lui demander de te raconter la scène sans les détails choquants. C’est impossible de sauter quelques paragraphes, j’ai essayé… Dans un bon thriller, tous les mots sont importants. Finalement, j’ai du m’y reprendre à plusieurs fois.
Et devinez quoi, ben ça commence à me plaire! En même temps, ce ne sont que quelques scènes insupportables.
Dans Misery, surtout deux pensées particulières ont occupé mon esprit tout le long… Primo, Paul Sheldon s’en sortira-t-il? C’est un thriller et non un feel good, je n’avais aucune idée à quoi m’attendre. Secundo, COMMENT pourrait-il s’en sortir dans l’état où il est, vu l’endroit où il est et avec qui il est! Faut dire qu’on se sent presque à sa place, on se surprend même à élaborer les plans les plus improbables pour tenter de s’enfuir! Ça c’est l’effet de la plume de King!
Donc voilà, l’expérience a été intéressante. Je compte continuer. Je ne sais pas encore par lequel… Peut-être « Shining ». Si tu as des propositions, n’hésite pas!

Extrait
Puis une bouche vint bâillonner la sienne, une bouche de femme, impossible de s’y tromper en dépit de ses lèvres dures et sèches : et cette bouche souffla son air dans la sienne, forçant un passage dans sa gorge, gonflant ses poumons ; et lorsque les lèvres dures se retirèrent, il sentit pour la première fois l’odeur qui émanait de sa gardienne, il la sentit en exhalant l’air qu’elle avait forcé en lui comme un homme pourrait forcer par violence une femme, une horrible puanteur faite d’un mélange de biscuits à la vanille, de crème glacée au chocolat, de jus de poulet et de ces pâtisseries spongieuses à base de beurre de cacahuètes.
Il entendit une voix s’égosiller : « Respirez, bon sang ! Respirez, Paul ! »
De nouveau, les lèvres le bâillonnèrent. De nouveau, de l’air se força un passage dans sa gorge. Impression de succion et de vent humide comme à la suite du passage d’un train rapide dans un souterrain, avec son cortège de feuilles de journaux et d’emballages de bonbons, puis les lèvres se retirèrent et il pensa : Pour l’amour du Ciel ne le laisse pas ressortir par le nez mais il ne put rien y faire et oh, cette puanteur, cette puanteur, cette putain de PUANTEUR !
« Respirez, bon sang de bonsoir ! » cria la voix invisible ; et il pensa : D’accord, tout ce que vous voudrez, mais s’il vous plaît ne recommencez pas, surtout pas cette infection et il essaya, mais avant d’avoir pu réellement commencer, les lèvres de la femme bâillonnèrent encore les siennes, des lèvres aussi sèches et mortes que des lanières de cuir salées ; et de nouveau son haleine le viola.
Cette fois, quand la bouche s’éloigna, il ne laissa pas repartir l’air, mais le chassa violemment dans une gigantesque exhalaison. L’expulsa. Attendit que sa poitrine invisible se soulevât de nouveau d’elle-même, comme elle l’avait fait toute sa vie sans qu’il eût à intervenir. Comme rien ne se passait, il inhala dans un énorme hoquet sifflant ; de nouveau il respirait tout seul – haletant le plus vite possible pour se débarrasser du goût et de l’odeur de la femme.
Jamais l’air normal n’avait eu parfum aussi suave.